jeudi 31 décembre 2009

Intimité


Il est impossible de connaître l'homme autrement que dans la réciprocité et, dès que l'homme se sent traité en objet, il se ferme et se barricade contre l'indiscrétion d'autrui. Il se révolte contre le mépris qui le réduit au rang d'objet, il attend avec d'autant plus de violence l'amour qui lui ouvrira les portes de l'infini, en lui apportant justement une intimité à laquelle la sienne pourrait s'ouvrir.


Maurice Zundel, Silence Parole de Vie, Editions Anne Sigier 1990, p48.

mercredi 30 décembre 2009

Refuser d'aimer hypocritement


La charité n'est ni faible, ni aveugle. Elle est essentiellement prudente, juste, tempérée, et forte. Si toutes nos vertus ne se fondent en charité, notre amour n'est pas sincère. Quiconque veut vraiment aimer son frère refuse de l'aimer hypocritement. Si nous voulons aimer les autres, décidons-nous à les bien aimer, ou notre amour n'est qu'illusion.

Thomas Merton, Nul n'est une île, Editions du Seuil 1956, p21.

mardi 29 décembre 2009

Comment aimer sans blesser


Les autres sont comme nous. Ils sont en route, ils ont à se faire, à s'accomplir, à dépasser leurs limites, à se libérer comme nous de leur moi préfabriqué et passéiste. Et nous ne pouvons pas vivre sans les aimer. Comment les aimer dans la liberté, dans la transparence, sans nous blesser à leurs limites et sans les blesser par les nôtres ? Là encore, il faut vider nos centres, il faut nous installer à la racine de la vie d'autrui, à la racine de leur personnalité, il faut aller au bout de leur inconscient, en esprit, là où leur vie finit sa source aux yeux. Et quand nous les avons rejoints dans la lumière infinie, quand nous avons créé un espace illimité autour d'eux, alors nous pouvons les aimer sans réserve parce que nous les aimons dans leur devenir, nous les aimons dans leur avenir, nous les aimons dans l'infini pour les atteindre en un jour, comme nous-mêmes, si eux et nous sommes fidèles à notre vocation essentielle.


C'est dans la mesure où nous ne posons pas de limites en nous et les aidons, en nous affranchissant de nous-mêmes de nos frontières, à s'affranchir des leurs, c'est dans cette mesure que la communion entre les hommes, que les amitiés et les amours humaines peuvent se nouer et s'éterniser. Il est totalement impossible de se joindre et de joindre les autres sans passer par ce chemin de lumière et d'amour qui est le Dieu vivant caché au plus intime de nous.


Maurice Zundel, Vivre Dieu, Presses de la Renaissance, Paris 2007, p52-53

lundi 28 décembre 2009

Un amour fondé sur la vérité


Aimer quelqu'un, c'est vouloir son vrai bien. Un tel amour est fondé sur la vérité. L'amour qui ne distingue pas entre le bien et le mal mais aime aveuglément, pour aimer, est de la haine plutôt que de l'amour. L'amour aveugle est un amour égoïste, parce que son but n'est pas l'avantage de l'aimé, mais le plaisir d'aimer. Il prétend, cependant, chercher le bien de l'aimé. Mais comme il ne se soucie guère de la vérité et est très sûr de lui, c'est un amour égoïste. Il ne cherche pas le véritable bonheur de l'aimé, ni même le sien propre. Il ne s'intéresse pas à la vérité, mais à lui seul. Il se déclare satisfait d'un bien apparent : l'exercice de l'amour pour l'amour, sans considération de ses effets bons ou mauvais.


Thomas Merton, Nul n'est un île, Editions du Seuil 1956, p20.

lundi 21 décembre 2009

L'une des plus grandes richesses


Dans nos amitiés et à travers elles, nous grandissons et nous nous développons en tant qu’êtres humains. C’est précisément pour cela que la véritable amitié a été considérée depuis toujours comme l’une des plus grandes richesses dont puisse jouir l’être humain. C’est pourquoi il faut être attentif à ne pas banaliser le concept et l’expérience de l’amitié. Il serait regrettable que notre désir de consolider et développer des amitiés on-line se réalise au détriment de notre disponibilité envers la famille, envers les voisins et envers ceux que nous rencontrons dans notre existence quotidienne, sur notre lieu de travail, à l’école, pendant nos loisirs. En effet, lorsque le désir de connexion virtuelle devient obsessif, la conséquence en est que la personne s’isole, interrompant ainsi l’interaction sociale réelle. Cela finit par perturber aussi les modèles de repos, de silence et de réflexion nécessaires à un développement humain sain.

Benoît XVI, Message pour la 43ème journée mondiale des communications sociales.

dimanche 20 décembre 2009

Un bien humain important


L’amitié est un bien humain important, mais il serait privé de valeur, s’il était considéré comme une fin en soi. Les amis doivent se soutenir et s’encourager les uns les autres en développant leurs dons et leurs talents et en les mettant au service de la communauté humaine.

Benoît XVI, Message pour la 43ème journée des communications sociales.

samedi 19 décembre 2009

Un reflet de Dieu


Il n'y a rien de meilleur au monde que ces amitiés merveilleuses que Dieu éveille et qui sont comme le reflet de la gratuité et de la générosité de son amour.

Jacques Maritain. 

vendredi 18 décembre 2009

Accueillir quelqu'un


Accueillir quelqu’un, ce n’est pas le prendre pour l’étouffer ou le changer selon mes idées et ma façon de voir. Accueillir, c’est donner de l’espace à l’autre à l’intérieur de moi pour qu’il puisse m’apporter quelque chose, et par le fait même me transformer un peu.

L’accueil est une ouverture, une capacité et un désir d’évolution, de changement et de croissance. Si je crois que je sais tout et que je dois agir en seul maître, je n’accueille plus. Je n’admets pas que j’ai encore à grandir.

Dans l’accueil, il y a un  élément d’inattendu. Je n’agis plus en maître, je reçois ce qui m’est donné. Recevoir quelqu’un pour prendre dans ses idées ce qui peut n’enrichir et le rejeter quand il me dérange, ce n’est pas l’accueil. Accueillir, c’est s’exposer à un risque. Il y a un élément d’insécurité…

La vie est risque. L’amour est risque. C’est en risquant qu’on devient vivant et aimant. Et le fruit de ce risque, c’est la fidélité de l’amour, la tendresse éprouvée, la célébration d’une alliance, d’une amitié et d’une confiance mutuelle.

Jésus dit : « Celui qui accueille un de  ces petits enfants en mon nom m’accueille, et celui qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé ».

L’accueil est le chemin qui mène vers la libération du cœur, vers la vérité et vers Jésus. C’est le chemin  vers une société renouvelée, fondée sur l’amour.

Jean Vanier

jeudi 17 décembre 2009

La véritable amitié est...




La véritable amitié est pure.
Elle ne recherche aucune faveur en retour.
Elle élève celui qui la donne. La véritable amitié est généreuse.
Elle est plus forte que tous les préjugés.
Elle anoblit celui qui la donne.
La véritable amitié est fidèle.
Elle n’est pas altérée par le temps.
Elle honore celui qui la donne.
La véritable amitié est  tenace.
Elle est faite de loyauté et de franchise.
Elle grandit celui qui la donne.
La véritable amitié est magnanime.
Elle  ne pose aucune condition.
Elle embellit celui qui la donne.
La véritable amitié est absolue.
Elle n’est jamais donnée par miettes.
Elle fait honneur à celui qui la donne.
La véritable amitié est spontanée.
Elle ne fait l’objet d’aucun marchandage.
Elle récompense celui qui la donne.
La véritable amitié est sincère.
Elle ne pose pas de conditions.
Elle enrichit celui qui la donne.

Henri de Lacordaire, (1802-1861)

mercredi 16 décembre 2009

Dupes et éblouis


Nous sommes très souvent dupes du succès, éblouis par les galons, flattés par les titres, subjugués par l'argent. Nous nous grisons de paroles, nous quêtons les compliments, nous nous empressons auprès des gens arrivés pour qu'ils nous fassent la courte échelle.

Mais tout cela demeure extérieur à nous. Notre âme en sent le vide dès qu'elle se souvient d'elle-même. Ce qu'elle ne fait jamais aussi bien qu'en rencontrant dans un être un élan de véritable bonté.

Maurice Zundel, L'Evangile Intérieur, Editions Saint-Augustin 1997, p 103.

mardi 15 décembre 2009

Un seul critère de vie chrétienne


Dans l'Evangile, il n'y a qu'un seul critère, une seule pierre de touche, une seule manière de vérifier la religion authentique, et c'est cette charité qui est un mystère de foi, cette charité qui nous fait découvrir dans un être limité, borné, répugnant, lépreux, antipathique, toute la grandeur, toute la fragilité du Dieu vivant.

Les révélations particulières foisonnent : il y a Beauraing, il y a Fatima, il y a la Salette, il y a Lourdes. Et je ne dis pas qu'il n'y ait pas eu dans chacun de ces lieux une intervention authentique de la miséricorde et de l'amour. Mais je dis : Attention ! Aucune des révélations ne lie notre foi, aucune. Nous ne sommes liés qu'à l'Evangile, nous ne sommes liés qu'à la tradition des Apôtres, et toute les révélations particulières y sont subordonnées.

Or, la révélation des Apôtres eux-mêmes est subordonnée ou plutôt elle es ordonnée à cet unique critère : "C'est à cela qu'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jn 14, 34-35 ; 15, 12).

Voilà le critère de la foi, le critère de la vérité, aussi bien que le critère de la perfection. Tous les dogmes, toute l'Ecriture Sainte, tous les sacrements, toutes les apparitions, tous les pèlerinages, toutes les liturgies, finalement nous conduisent à ce point - ou bien sont en dehors de la vérité -, à cette rencontre avec Jésus sous le visage de l'homme.

Où voulez-vous prendre Dieu ? Il ne peut pas être ailleurs, il n'y a pas d'autre révélation que cette transparence, que cette transparence de l'homme à Dieu, quand l'homme dans la foi a été transfiguré et est devenu pour nous le Christ qui s'est identifié avec lui et qui nous dit : "C'est moi qui vous attendait et c'est moi que vous avez reçu".

N'ayons donc aucune inquiétude devant tout ce que nous pouvons lire dans les livres, devant tant d'exposés de la religion qui prétendent à s'imposer à nous. Nous serons toujours dans la droiture de la foi quand nous serons dans la vérité de l'amour.


Maurice Zundel, Silence Parole de Vie, Editions Anne Sigier 1990, p 158-159.

lundi 14 décembre 2009

Jésus sait l'importance de l'amitié


Jésus, le Verbe fait chair, sait l'importance de l'amitié. Elle est au cœur de son message : il veut devenir l'ami de chacun pour que nous devenions amis de Dieu.

Jean Vanier, Entrer dans le mystère de Jésus.

dimanche 13 décembre 2009

Un trésor et un fondement


L'amitié est une réalité profondément humaine, trésor de chaque personne et fondement de la communauté. Des amis ont une même sensibilité, ils cherchent ensemble un sens à leur vie. L'amitié est fidélité.

Jean Vanier, Entrer dans le mystère de Jésus.

samedi 12 décembre 2009

Nous avons besoin


Nous avons besoins d’un ami, de quelqu’un en qui nous puissions avoir confiance, quelqu’un avec qui nous puissions avoir un lien profond et partager notre faiblesse et nos secrets.

Jean Vanier, Vivre une alliance dans les foyers de L'Arche.

vendredi 11 décembre 2009

Autre chose que la générosité



L'amitié et la communion des cœurs ne sont pas la même chose que la générosité. Dans la générosité, je garde l'initiative, je décide de ce que je donne. L'amitié, elle, implique une certaine égalité; nous devenons frères et sœurs, présents et vulnérables les uns aux autres.

Jean Vanier, Intervention au Congrès Eucharistique International de Québec, 16 juin 2008.

vendredi 4 décembre 2009

Etre un ostensoir de l'amour


"Que tous soient un en nous, comme Vous et Moi nous sommes un" (Jean 17, 21-22).

Dieu est l'altruisme subsistant, la charité est son nom.

Nous ne pouvons appliquer le nom de charité aux relations humaines que dans la mesure où, devenus intérieurs à Dieu, nous le sommes également à nos frères.


Notre âme est un univers : la leur ne l'est pas moins. Chacune peut devenir un foyer où la création se recueille et d'où toute vie resurgit : ennoblie et purifiée au contact du premier Amour.

C'est en ce centre mystérieux que réside leur personnalité, c'est là qu'ils vivent réellement. Tant que nous n'essayons pas de les joindre au dedans à travers Dieu dont la tendresse seule les fait exister, tant que leur fonction ou leur apparence suffit à les définir à nos yeux, nous leur refusons l'être.


La sévérité du Christ pour les abus de parole et de jugement s'explique en cette lumière. Dire à son frère : raca ou fou, c'est le prendre par le dehors, c'est méconnaître son âme et sa dignité d'homme, c'est déjà commettre ce refus d'être qui empêche la vie de s'accomplir.

Ah ! Comment ne pas sentir en soi toutes les possibilités qu'il porte en lui ?


Il n'est pas encore peut-être, mais il devient, il n'est point fixé dans un état immuable, et un changement imperceptible peut suffire à l'orienter pour toujours vers le bien.


Il faudrait qu'il ne nous quittât jamais sans connaître mieux les richesses de sa vie.


Il ne s'agit pas, sans doute, d'éprouver pour le premier venu cet élan qui nous fait sentir notre unité avec les êtres dont le sang ou l'amitié nous rendent solidaires. Ceci ne dépend point de nous et ne peut jaillir à volonté.


Nous ne pouvons feindre cette joie ou ces déchirements qui identifient toutes nos fibres au rythme d'un être avec lequel le nôtre se confond.

Il n'est question ici, que de l'effort qui doit résulter d'une vision théocentrique, comme est celle dont l'Evangile est la source.


Ce n'est rien de donner à un homme tous nos biens, si notre coeur n'est pour lui l'ostensoir de l'Amour, qui peut seul exorciser par son infinité même l'attrait des séductions, dont un certain sens du réel est en lui, fatalement complice : tant que l'Être en nous ne luit point dans une lumière accessible à son cœur.


Maurice Zundel, Recherche de la personne, Editions Desclée, Paris 1990, p 261-262.

Tu garderas

Tu garderas la moitié de mon âme.

Horace priant pour son ami.

jeudi 3 décembre 2009

La même âme


L'amitié fait ou admet l'autre comme un égal. Là où il y a inégalité, où l'un domine l'autre du haut de sa supériorité, il n'y a pas tant amitié que flatterie. Aussi lisons-nous ailleurs : que l'ami soit la même âme !

Jérôme de Stridon, In Michaeam, II, 7, 6-7.

mercredi 2 décembre 2009

L'amitié vraie


L'amitié vraie est cimentée par le Christ. Ce n'est ni l'utilité de la propriété familiale, ni la flatterie trompeuse et caressante qui créent les liens d'amitié, mais bien la crainte de Dieu et l'étude de l'Ecriture Sainte.

Jérôme de Stridon, Lettre à Paulin.

mardi 1 décembre 2009

Le devoir du service rendu


Respecte ton ami comme un égal, n'aie pas honte de devancer ton ami par le devoir du service rendu ; l'amitié en effet ignore l'orgueil. Le respect est caractéristique de l'amour, de sorte que celui qui hait soulève des plaintes, alors que celui qui aime respecte son ami.

Ambroise de Milan, De officii, III, XXII, 129.

lundi 30 novembre 2009

Le reproche à un ami



Que l'on fasse un reproche à un ami, non par zèle ostentatoire mais par sentiment de charité. Que l'avertissement ne soit pas dur, ni le reproche outrageant.

Ambroise de Milan, De officii, III, XXII, 133-134.

dimanche 29 novembre 2009

Une rivalité de bienveillance


L'amitié est en effet une vertu, non pas un bénéfice, car elle est engendrée non par l'argent, mais par l'agrément, non pas par une mise aux enchères des avantages, mais par une rivalité de bienveillance. Enfin, les amitiés des indigents sont bien souvent meilleures que celles des riches, et fréquemment les riches sont dépourvus des amis que les pauvres ont en grand nombre. Il n'y a pas, en effet, d'amitié vraie, là où il y a la trompeuse flatterie.

Ambroise de Milan, De officii, III, XXII, 134-135.

samedi 28 novembre 2009

Je suis tout à toi


C'est un réconfort en cette vie, certes, que d'avoir à qui ouvrir son coeur, avec qui partager des choses cachées, à qui confier le secret de ton coeur ; que de t'assurer un homme fidèle, pour te féliciter dans les jours heureux, compatir dans les jours tristes, t'encourager dans les persécutions. Cette parole facile s'entend souvent : "Je suis tout à toi", mais elle n'engage que peu de choses.

Ambroise de Milan, De officiis, III, XXII, 132.

vendredi 27 novembre 2009

Aimer gratuitement

Tu ne dois pas aimer un ami pour qu'il te donne quoi que ce soit, de l'argent ou quelque autre avantage temporel : ce n'est pas lui que tu aimes, mais ce qu'il te donne. Un ami doit être aimé gratuitement, pour lui-même, non pour autre chose. Mais si la règle de l'amitié, qui veut que tu le chérisses gratuitement, est pour toi une contrainte, combien gratuitement doit être aimé Dieu, qui ordonne que tu chérisses l'homme ! Rien n'est plus à chérir que Dieu !

Augustin d'Hippone, Sermon 49.

jeudi 26 novembre 2009

L'amitié de raison


L'amitié charnelle est due à la similitude des habitudes de vie, des entretiens, des conversations entre deux amis, et elle est telle que l'un est dans la tristesse lorsqu'il est quitté par l'autre, avec lequel il est habitué de s'entretenir et d'avoir commerce : les deux se rencontrent, se promènent ensemble durant trois jours, et même alors ils ne peuvent pas se séparer. Or cette amitié est honnête, mais c'est une amitié d'habitude, non de raison, car les bestiaux eux-mêmes en ont de telles. Deux chevaux mangent ensemble, ils ont besoin l'un de l'autre jour après jour, et quand l'un part devant, l'autre se hâte derrière ; désirant - pour ainsi dire - son ami, à peine peut-il être contrôlé par son propriétaire : il se cabre avec fougue jusqu'à ce qu'il ait rattrapé l'autre. Mais il y a une amitié, supérieure, qui n'est pas d'habitude mais de raison, par laquelle nous aimons un homme au nom de la foi et de la bienveillance mutuelle en cette vie mortelle. Que l'homme commence à aimer tout ce que nous trouvons de supérieur, de divin, et il n'aimera rien en l'homme, si ce n'est Dieu.

Augustin d'Hippone, Sermon 49.

mercredi 25 novembre 2009

Mieux vaut...

Celui qui est indulgent n'est pas toujours un ami, ni celui qui fustige, toujours un ennemi. Mieux vaut aimer avec sévérité que tromper avec douceur.

Augustin d'Hippone, Lettre 93.

mardi 24 novembre 2009

L'amitié pour l'âme folle


Est une amitié parfaite celle qui nous fait aimer davantage ce qui est meilleur et moins ce qui est inférieur. Aime une âme sage et parfaite dès que tu la vois, et une âme folle, non pour sa folie, mais parce qu'elle est capable de perfection et de sagesse. Car on ne doit pas s'aimer pour sa folie : quiconque s'aime de cette façon ne progressera point vers la sagesse.

Augustin d'Hippone, De vera religione, XLVIII, 93.

lundi 23 novembre 2009

Comme un médecin


Sois comme un médecin : le médecin n'aime pas le malade s'il ne déteste pas la maladie ; il s'attaque à la fièvre pour en libérer le malade. N'aimez pas les vices de vos amis, si vous aimez vos amis.

Augustin d'Hippone, Sermon XLIX, 6.

jeudi 19 novembre 2009

L'amour désintéressé


L'amour désintéressé, qui augmente à mesure qu'il est partagé, renferme le vrai bonheur. L'amour désintéressé ne trouve le repos parfait que dans un amour parfaitement réciproque, car il sait qu'on ne trouve la vraie paix que dans cet amour-là. L'amour désintéressé consent, pour le bien de l'aimé, à être aimé de façon désintéressée, et, ce faisant, il se perfectionne.

Donner son amour, c'est donner la faculté et la capacité d'aimer, et c'est en donnant pleinement l'amour qu'on le reçoit. Aussi ne garde-t-on l'amour qu'en le donnant, et ne le donne-t-on parfaitement que lorsqu'on le reçoit.

Thomas Merton, Nul n'est une île, Editions Seuil, 1956, p19-20

mercredi 18 novembre 2009

Christ est amitié

Christ est vérité et amitié. C 'est la raison pour laquelle tous ceux qui possèdent la connaissance du Christ sont amis les uns des autres.

Evagre Le Pontique

mardi 17 novembre 2009

Celui qui aime vit davantage


L'amour devient une force transformante d'une intensité quasi mystique. Il dote ceux qui aiment de qualités et de capacités telles qu'ils n'avaient jamais pensé pouvoir les posséder. D'où viennent ces aptitudes ? De l'accroissement de la vie même, approfondie, intensifiée, exaltée et spiritualisée par l'amour. Aimer n'est pas simplement une façon particulière de vivre, c'est la perfection de la vie. Celui qui aime vit davantage, il est davantage lui-même qu'avant d'aimer.

Thomas Merton

lundi 16 novembre 2009

Quand le Seigneur définit l'amitié


"Le Seigneur définit l'amitié de deux manières. Il n'y a pas de secrets entre amis : le Christ dit tout ce qu'il entend du Père ; il nous donne sa pleine confiance, et, avec la confiance, il nous donne aussi la connaissance. Il nous révèle son visage, son cœur.
"Le second élément par lequel Jésus définit l'amitié, est la communion des volontés."

Cardinal Ratzinger, Ouverture du Conclave, 18 avril 2005.

dimanche 15 novembre 2009

Pour porter du fruit


"Pour porter du fruit il faut goûter la joie de l'amitié"... "L'on peut attribuer à l'amitié ce que l'on a pu dire de la charité : que Dieu est amitié, et quiconque demeure dans l'amitié demeure en Dieu et Dieu en lui. L'amour est la source de l'amitié ……n'estimons pas qu'il n'y a nulle différence entre la charité et l'amitié. Il y en a plusieurs : l'autorité divine nous oblige à comprendre dans la charité plus d'hommes que notre amitié n'en embrasse. Nous sommes contraints par la loi de la charité d'accueillir dans notre amour nos ennemis et nos amis, et nous disons nos amis ceux seulement auxquels nous osons confier notre cœur et ce qu'il contient, y étant liés par la loi d'une même confiance."
Aelred de Rielvaux

samedi 14 novembre 2009

Une confiance justifiée



Même si on doit user de bienveillance et de bienfaisance envers le prochain pour concevoir de l'amitié pour lui, quand on ne fait pas confiance à son prochain en lui réciproquant l'amour et l'amitié qu'on reçoit de lui, l'amitié ne peut être complète et stable. Dès lors, pour qu'une ferme prédisposition à l'amitié puisse naître chez quelqu'un, il est nécessaire qu'il confie à son prochain les choses comme il les sent en lui-même par rapport à lui, ainsi que Tullius le dit dans le De amicitia : "Le fondement de cette fermeté, de cette stabilité que nous demandons à l'amitié, c'est la confiance justifiée ; où elle manque, il ne peut y avoir de stabilité". Pour que la bonne foi soit présente dans sa perfection, les amis doivent ouvrir leurs cœurs l'un à l'autre, comme nous le lisons dans le même livre : "A moins qu'on ne lise, comme on dit, dans le cœur d'un ami, qu'on ne lui ouvre le sien, il n'y a pas de sûreté". Par ce moyen, tout soupçon de feinte et de désaccord est écarté, ce qui est absolument requis pour le développement d'une amitié parfaite. Comme dit encore Tullius : "Il appartient à l'homme de bien d'observer ces deux règles de l'amitié : d'abord d'écarter toute feinte, toute simulation ; en second lieu, de ne pas se contenter de repousser les accusations portées contre son ami, mais de n'être pas soi-même soupçonneux", grâce à quoi tout litige est éliminé de l'amitié.

Henri de Gand.

vendredi 13 novembre 2009

Le partage de la vertu

Vouloir du bien à quelqu'un ne suffit pas pour faire naître la prédisposition à l'amitié envers lui. Une seconde action doit suivre, qui procède de la bienveillance. Par celle-ci, on agit à l'égard de son prochain de telle sorte que la vertu puisse arriver à être partagée avec lui en même temps que les autres biens qu'on veut avoir en commun avec lui. C'est pourquoi il est écrit dans l'Ethique au livre IX : "Un ami se définit comme voulant et faisant du bien". Et Tullius dit, dans le De amicitia : "C'est là un exemple à proposer à tous : si l'on se trouve posséder quelque supériorité de vertu, d'esprit, de situation, il faut y faire participer ses proches, qui s'en trouveront un peu grandis eux aussi".

Henri de Gand

jeudi 12 novembre 2009

Bienveillance

La bienveillance paraît être le commencement de l'amitié : il n'est pas possible d'être amis sans avoir d'abord éprouvé de la bienveillance l'un pour l'autre.

Aristote, Ethique à Nicomaque.

mercredi 11 novembre 2009

Une trinité de personnes


Dans l'amour mutuel, rien n'est plus précieux que de vouloir que l'autre soit aimé autant que soi-même par celui que l'on aime suprêmement et par lequel on est suprêmement aimé. Ainsi deux amis qui s'aiment déjà l'un l'autre requièrent quelqu'un qui partage, dans les mêmes termes, l'amour qu'ils montrent l'un envers l'autre. Et c'est ainsi que l'accomplissement de la charité requiert une trinité de personnes.


Richard de Saint-Victor, De Trinitate, III, chap. 2

mardi 10 novembre 2009

Prière pour les amis



Je te prie, Dieu tendre et bon, pour ceux qui m'aiment à cause de toi et que j'aime en toi. Je te prie avec plus de dévotion pour ceux dont tu sais plus sincère la dilection envers moi, et la mienne envers eux. Je ne le fais pas, Seigneur, comme un juste, rassuré quant à mes péchés, mais soucieux d'une certaine charité pour les autres. Aimes-les donc, toi la source de dilection, toi qui me prescris et me donnes de les aimer. Même si ma prière ne mérite pas de leur être utile, parce qu'elle t'est offerte par un pécheur, qu'elle vaille pour eux, parce qu'elle est faite sur ton ordre, et que tu en es l'auteur. A cause de toi, donc, toi l'auteur et le donateur de la charité, à cause de toi et non de moi, aime-les et faits qu'ils t'aiment de tout leur coeur, de tout leur esprit et de toute leur âme, pour qu'ils disent, veuillent et fassent cela seul qui te plaît et leur est bon.


Trop tiède, mon Seigneur, trop tiède est ma prière, parce que peu fervente est ma charité. Mais ne leur mesure pas ton bienfait, toi qui es riche en miséricorde, selon la torpeur de ma dévotion : de même que ta bienveillance surpasse toute humaine charité, que ta réponse, de même transcende l'affection de ma supplication. Fais pour eux, fais d'eux, Seigneur, ce qui leur est bon selon ta volonté, pour qu'ils soient partout et toujours régis, protégés, par toi, jusqu'à ce qu'ils parviennent à la glorieuse, à l'éternelle sécurité, Toi qui vis et règnes, Dieu, pour tous les siècles des siècles.

Amen !


Anselme de Cantorbery

lundi 9 novembre 2009

Ton ami est l'image de ton Dieu



Aime ton Dieu, et en ton Dieu aime ton ami, qui est l'image de ton Dieu, comme lui-même peut, en aimant pareillement Dieu, t'aimer en Dieu. Si tous les deux vous cherchez et visez le même unique objet, vous serez toujours unis l'un à l'autre, car vous aurez vos racines dans cet objet. Et je ne vois pas comment il se pourrait, si des corps réunis dans un même endroit peuvent être présents l'un à l'autre, que des coeurs fixés sur un unique objet puissent ne pas être unis.


Claudien Mamert, Sur le statut de l'âme, Livre I, chap. 27

dimanche 8 novembre 2009

Qu'est-ce qui me charmait ?

Qu'est-ce qui me charmait sinon d'aimer et d'être aimé ? Mais je ne me contenais pas dans la mesure de l'échange qui va de l'âme à l'âme : là est le lumineux sentier de l'amitié. Des brumes s'exhalaient du limoneux tréfonds de la concupiscence de la chair et des jaillissements de la puberté. Elles obnubilaient et offusquaient mon cœur qui ne distinguait plus l'affection apparente du brouillard du désir.

Saint Augustin, Confessions, II, II, 2-3.

samedi 7 novembre 2009

Comme une visitation


Je peux difficilement imaginer meilleure façon de comprendre l'amitié, l'attention prévenante aux autres et l'amour que celle que nous propose la "Visitation" de Marie. Dans un monde rongé par la honte et la culpabilité, nous avons besoin de nous "visiter" les uns les autres et nous offrir un lieu où il est possible de proclamer notre liberté et de célébrer les dons que nous avons reçus. De temps à autre, il faut pouvoir nous éloigner des voix méfiantes et haineuses et nous retrouver dans un endroit où nous sommes pleinement compris et aimés. C'est à cette condition que l'on pourra affronter à nouveau le monde hostile, libéré de toute crainte et avec une confiance renouvelée en nous-mêmes.

Henri J. M. Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004.

vendredi 6 novembre 2009

Agitation intérieure

Cet après-midi, je suis allé conduire Jonas à l'aéroport. Cela nous a fait du bien de passer quelques jours ensemble. J'ai eu la possibilité de lui parler de l'anxiété que j'éprouvais, et qui est toujours présente mais invisible extérieurement. Il m'a écouté avec une oreille attentive et m'a répondu avec délicatesse. Mon agitation intérieure s'est quelque peu apaisée, mais je me rends compte que chaque fois que cette blessure intérieure est ravivée, la guérison est lente et il me faut faire preuve de beaucoup de patience. La présence rassurante et réconfortante de Jonas m'a tout au moins permis d'expérimenter un début de guérison.

Henri J. M. Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004, mardi 7 mai.

jeudi 5 novembre 2009

Je suis anxieux


Pour une raison ou une autre, je suis anxieux. Je me rends compte que je tourne en rond aux prises avec des émotions profondes que je n'ai pas pris le temps d'analyser et qu'il faudrait peu de chose pour les faire remonter à la surface et me déséquilibrer. Je ne m'attendais pas à cela, mais je me sens passablement démuni en face de ces sentiments d'amour, de haine, de rejet, d'attirance, de gratitude et de regret qui sont hors de mon contrôle. J'aimerais bien pouvoir retrouver une nouvelle paix intérieure, mais après toutes ces années, je crains qu'il en résulte plutôt de nouvelles tensions. Je sais l'importance de la prière en pareille situation.

Henri J. M. Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004, samedi 4 mai.

mercredi 4 novembre 2009

Cette amitié pénètre toute notre vie


Ce soir, Nathan et moi sommes sortis pour dîner et avons profité de l'occasion pour avoir une conversation franche et honnête sur les hauts et les bas de notre relation d'amitié.

Notre amitié a vu le jour en France et s'est solidifiée durant la première année. Plus tard, à Daybreak, de multiples tensions ont surgi, et parce que je suis devenu trop dépendant, notre amitié s'est brisée. Cette brisure a déclenché beaucoup de choses en moi, et la douleur de notre séparation a été tellement vive que j'ai dû quitter la communauté durant six mois afin de retrouver la confiance et l'espoir. A n'en pas douter, ces mois d'éloignement ont certainement été les plus durs et les plus éprouvants de ma vie. Durant cette période, je me suis même demandé si je retournerais un jour à Daybreak et si je pourrais à nouveau vivre dans la même communauté que Nathan.

Au moment opportun, je suis retourné à Daybreak et peu à peu notre amitié s'est renouée et même approfondie. Aujourd'hui nous sommes profondément liés dans l'amitié et cette amitié pénètre tout, notre vie de foi, notre travail comme responsables de Daybreak, notre engagement au service des autres.

Au cours du dîner, Nathan m'a incité à passer moins de temps à me plaindre et à être plus positif. "Quand tu acceptes une invitation, ne te plains pas que tu es trop occupé, et quand ça va bien, ne passe pas de remarques qui laissent entendre que tu as besoin qu'on s'occupe quand même de toi". J'avais pourtant l'impression que je ne me plaignais plus, que c'était réglé, mais Nathan me faisait comprendre qu'il n'en était rien et que cela m'empêchait de pleinement goûter la paix et la joie qui étaient miennes.

Et bien, voilà de quoi réfléchir et sur quoi travailler.

Henri J. M. Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004, vendredi 29 mars.

mardi 3 novembre 2009

Dépendant de l'affection d'autrui


De ce temps-ci, je me sens d'attaque, débordant d'énergie. Cependant, je suis bien conscient que ce bien-être, je le dois à mes amis et à l'amour dont ils m'entourent. Et autant que je le sache, il n'y a personne actuellement qui m'en veut ou qui serait en colère contre moi. Une douce harmonie règne, me semble-t-il, dans mes relations avec ma famille, avec les gens de Daybreak, tout particulièrement avec Nathan et Sue, et avec mes amis qui vivent à proximité de moi ou éloignés. En pareille situation, j'oublie facilement ma grande fragilité intérieure, j'oublie qu'il faut très peu de chose pour rompre cet équilibre. Il suffirait d'un simple rejet ou d'une légère critique pour me faire douter de ma valeur personnelle et me faire perdre confiance en moi.

C'est à cela que je pensais quand j'ai lu le poème que Michel-Ange a rédigé à l'intention de Tommaso Cavalieri, le jeune noble romain rencontré pour la première fois en 1532, alors qu'il avait 57 ans. Son amour pour Tommaso et l'affection que Tommaso lui portait le faisait se sentir pleinement vivant. Il écrit : "Dans tes yeux brillants, je vois la lumière vive que mes yeux aveugles seuls ne parviennent pas à voir ; et tes pieds assurés me soulagent de ce fardeau que mes pas chancelants laisseraient choir immanquablement. Mes pensées intimes prennent forme dans ton cœur".

Ces mots font naître en moi de profonds sentiments. Ils révèlent à quel point je suis dépendant de l'affection et de l'amour des autres. Je sais le nombre de mes pensées qui ont pris forme dans le coeur de ceux qui m'aiment.

Henri J. M. Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004, mercredi 20 mars.

lundi 2 novembre 2009

Enracinés dans le coeur de Dieu


Ce matin, à l'Eucharistie, nous avons discuté du grand commandement. La même idée a refait surface. Quand nous aimons Dieu de tout notre cœur, de tout notre esprit, de toutes nos forces, et de toute notre âme, nous ne pouvons pas faire autrement que d'aimer notre prochain et de nous aimer nous-mêmes. C'est en étant pleinement enracinés dans le cœur de Dieu que nous pouvons être connectés de manière créative aussi bien à notre prochain qu'à notre moi profond. Dans le cœur de Dieu, nous pouvons voir que les autres humains qui vivent sur terre avec nous sont aussi fils et filles de Dieu, et font partie de la même famille que nous. Et dans le même mouvement, je peux me reconnaître aimable et le célébrer avec mes proches.

Notre société cherche à tout calculer, y compris l'amour donné à Dieu, aux autres et à soi-même. Mais Dieu, lui, nous dit : "Donnez-moi tout votre amour et je vous donnerai d'aimer votre voisin et de vous aimer".

Henri J. M. Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004, vendredi 15 mars.

dimanche 1 novembre 2009

Tu m'es devenu un frère


Par la grâce du Christ, tu es devenu mon frère pour m'aider dans le monde présent, pour vivre avec moi dans l'éternité ; tu es mon frère, dont l'amitié dépasse les affections charnelles, un frère plus proche que tous ceux qu'unissent à moi les liens de la chair et du sang. Où sont maintenant mes frères de sang ? mes anciens amis ? mes camarades d'autrefois ? Pour tous ceux-là, j'ai disparu dans l'oubli. Je suis devenu, comme le dit le psaume "un étranger pour mes propres frères, un inconnu pour les fils de ma mère ; mes amis, ceux qui étaient autrefois mes proches se sont éloignés de moi" (Ps 68, 9 et 37, 12). Comme le fleuve qui coule, comme le flot qui passe, ils passent à côté de moi, ils ont honte de moi et ils rougissent, comme il est écrit (Ps 37, 12), de venir me voir. Des étrangers sont devenus mes proches et ceux qui étaient mes proches se sont éloignés de moi. (...) Le Seigneur a voulu que tu me tiennes lieu de père, de frère et d'ami : il a voulu que tu prennes soin de moi avec la sollicitude des parents, que tu m'aimes avec l'affection d'un frère, que tu t'occupes de moi avec le dévouement d'une amitié sincère, que, du fond de ton cœur, tu me prodigues toute ton affection, enfin, que tu me sois continuellement présent par de fréquentes lettres et que tu m'apaises par de douces consolations.

Paulin de Nole à Sulpice Sévère, Lettre 11.

samedi 31 octobre 2009

Un point d'appui


La nature a horreur de la solitude et réclame quelque chose qui puisse servir d'appui ; il n'y en a pas de plus doux que l'amitié.

Cicéron, De amicitia, XXIII.

vendredi 30 octobre 2009

Que désirons-nous vraiment ?


Que désirons-nous vraiment ? Au fur et à mesure que j'essaie d'être à l'écoute de mes désirs les plus profonds et de ceux des autres, le mot qui semble le mieux décrire ces désirs du coeur humain est le mot "communion". Communion signifie "union avec". Dieu nous a donné un coeur qui ne trouvera pas de repos tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas trouvé la véritable communion. Nous la cherchons dans l'amitié, le mariage, la communauté. Nous la cherchons dans l'intimité sexuelle, les moments d'extase, la reconnaissance de nos dons. Nous la cherchons dans le succès, l'admiration, les récompenses. Mais où que nous cherchions, c'est la communion que nous désirons. (...)

C'est un désir qui vient de Dieu, qui nous occasionne à la fois de nombreuses souffrances et d'immenses joies. Jésus est venu proclamer que notre désir de communion n'est pas vain, mais qu'il sera satisfait par Celui qui l'a mis en nous. Nos moments furtifs de communion ne sont que de faibles aperçus de la communion promise par Dieu. Le véritable danger est de nous méfier de ce désir de communion. Ce désir nous vient de Dieu, sans qui notre vie perd sa vitalité, sans qui notre coeur se refroidit. Nous vivrons de façon vraiment spirituelle seulement lorsque nous aurons trouvé le repos dans l'étreinte de Celui qui est à la fois le Père et la Mère de tous les désirs.

Nous, les êtres humains, souffrons beaucoup. Plusieurs, sinon toutes nos souffrances viennent de nos relations avec ceux et celles qui nous aiment. Je suis toujours conscient que mes angoisses les plus intenses sont causées non pas par les évènements terribles rapportés dans les journaux ou la télévision, mais par mes relations avec ceux et celles qui partagent ma vie quotidienne. Les hommes et les femmes qui m'aiment et qui sont très proches de moi sont aussi ceux qui me blessent. A mesure que nous vieillissons, nous découvrons souvent que l'amour qu'on nous porte n'est pas toujours parfait. Ceux qui nous ont aimés ses sont souvent servis de nous. Ceux qui ont pris soin de nous nous ont aussi enviés. Ceux qui nous ont beaucoup donné attendaient parfois beaucoup en retour. Ceux qui nous ont protégés ont aussi voulu nous posséder à des moments cruciaux. Nous éprouvons souvent l'envie de démêler le pourquoi et le comment de nos blessures, et nous en arrivons trop souvent à la terrible conclusion que l'amour que nous avons reçu n'était pas aussi pur et simple que nous le croyions.

Il est important de nous arrêter pour réfléchir à tout cela, surtout quand nous sommes paralysés par la peur, les inquiétudes et les sombres désirs que nous ne comprenons pas.

Mais il ne suffit pas de comprendre nos blessures. En bout de ligne, nous devons trouver la liberté d'aller au-delà de nos blessures et le courage de pardonner à ceux et celles qui nous ont fait du mal. Le danger qui nous guette est de nous embourber dans la colère et la rancune. Nous nous mettons alors à vivre en "victime" qui se plaignent continuellement des injustices de la vie.

Jésus est venu nous délivrer de ces plaintes autodestructrices. Il dit : "Cessez de vous plaindre, pardonnez à ceux qui vous ont mal aimés, allez au-delà de vos sentiments de rejet, ayez le courage de croire que vous ne tomberez pas dans un abîme de néant mais dans les bras protecteurs de Dieu dont l'amour guérira toutes vos blessures". (...)

Plus je pense aux souffrances humaines de ce monde et à mon désir de les soulager, plus je prends conscience à quel point il est important de ne pas me laisser paralyser par des sentiments d'impuissance et de culpabilité. Il me faut plus que jamais être fidèle à ma vocation : je suis appelé à bien faire les petites choses qui me sont confiées et à goûter la joie et la paix qu'elles m'apportent. Je dois résister à la tentation de laisser les forces des ténèbres m'entraîner vers le désespoir et faire de moi une autre de leurs nombreuses victimes. Je dois garder mon regard fixé sur Jésus et sur ceux qui l'ont suivi, confiant que je saurai suivre pleinement ma mission : être dans le monde un signe d'espérance.

Henri Nouwen, Vivre sa foi au quotidien.

L'impression de distance


Nous étions partis tôt pour avoir le temps de prendre un café, une fois arrivés à l'aéroport. Mais parvenus au petit restaurant près de la barrière d'accès, Frank ne semblait pas avoir la moindre envie de prendre un café ou une bouchée et il me semblait passablement amorti. J'ai senti qu'il était exagérément préoccupé d'obtenir sa carte d'embarquement et de téléphoner à des amis d'Albuquerque. Brusquement, j'ai été saisi par un grand sentiment de solitude. J'ai eu l'impression que nous faisions ce qu'il fallait en pareille circonstance mais qu'en réalité, Frank souhaitait que je le laisse à ses affaires.

Même si je savais en moi-même qu'une partie sinon la presque totalité de ce que je ressentais était une pure projection et traduisait beaucoup plus mon état d'esprit que celui de Frank, je n'ai pu m'empêcher de me tourner vers Frank pour lui dire : "Où es-tu ? Tu es rendu ailleurs. J'espérais que nous pourrions avoir un bon échange et que nos adieux seraient chaleureux. Tu me sembles heureux que les vacances soient terminées".

Frank a réagi vivement. "N'essaie pas de nier la belle semaine que nous avons passé ensemble. Ne bousille pas toute ne réagissant comme tu le fais. C'est vrai que j'ai dû faire un téléphone et que je n'ai pas voulu prendre un café, mais tu en fais tout un plat pour rien. C'est simplement que j'éprouve de la difficulté à parler dans un aéroport".

Mon embarras n'avait d'égal que ma tristesse. Je ne voulais pas gaspiller la belle semaine que nous venions de vivre, mais voilà que nous étions en train de nous disputer pour rien.

Peu de temps avant que l'avion décolle, j'ai pu me ressaisir et remercier Frank pour son amitié. Mais j'étais encore très déçu et durant tout le voyage, je n'ai pas arrêté de songer à la difficulté que j'avais d'intégrer mes sentiments. Il faisait bon de se retrouver à la maison et même s'il a fallu m'atteler rapidement à la tâche de défaire mes bagages, de dépouiller mon courrier et de prendre connaissance des télécopies reçues, j'ai quand même continué à éprouver un sentiment inconfortable en pensant à la matinée.

Plus tard, Frank m'a appelé. Je lui ai demandé pardon et nous avons conversé longuement, ce qui m'a permis de me réconcilier avec la belle semaine que nous avions vécu. Au moment d'aller au lit, j'ai réalisé que, demain, l'évangile du jour parlait du pardon du cœur.

Henri J. M. Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004, p. 174-175

jeudi 29 octobre 2009

Ni sur la défensive, ni en colère

A midi, Nathan m'a téléphoné de Calgary. Nous avons eu une bonne conversation, quoique difficile par moments. Je lui ai dit que, au cours des derniers jours, je m'étais senti déprimé, profondément seul, voire rejeté. J'ai ajouté que j'avais été déçu parce que nous n'avions pas eu une bonne discussion depuis quelque temps.

A cela, Nathan a réagi avec beaucoup d'amour. Il n'était ni sur la défensive ni en colère : il m'a simplement dit qu'il n'avait pu se douter de l'intensité de mes sentiments et qu'il voulait m'offrir son soutien chaque fois qu'il le pouvait. Il avait eu une semaine remplie, au contraire de la mienne, ponctuée de visites familiales et de conversations intenses. Il n'avait visiblement pas été sur la même longueur d'onde que moi et, bien sûr, il n'avait pu deviner mon angoisse. Notre conversation m'a fait pleinement apprécier les bienfaits de l'amitié. Mon sentiment de rejet, ma colère, ma dépression et mon angoisse se dissipent peu à peu comme, dans les champs, la neige fond au soleil. Je remercie le Seigneur.

Henri J. M. Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004, p. 145-144

mercredi 28 octobre 2009

Le fantôme intérieur


Il semble que j'ai réveillé en moi le fantôme affamé en y consacrant ces lignes ! Toute la journée je me suis senti comme un fantôme affamé : j'avais faim d'affection et d'attentions - appels téléphoniques, lettres et le reste. J'ai fini par en concevoir une colère dirigée non seulement contre tous ceux qui ne me donnaient pas ce dont j'avais un si grand besoin, mais aussi contre les appétits insatiables de mon propre esprit affamé. Je sais que, après tous les voyages et déplacements des derniers mois, il est temps que je retrouve le silence, que je prie, que j'écrive en toute tranquillité, que je sois simplement seul. Mais mon fantôme affamé s'assurait que je demeure agité, à l'affût de la moindre distraction, m'empêchant ainsi de le confronter directement et de mettre un terme à ses plaintes incessantes. (...)

Heureusement, mes prières du soir m'ont apporté un peu de consolation. En les disant à voix haute - hurlant presque dans la maison déserte - j'ai recouvré, sans trop savoir comment, un tant soit peu de paix intérieure.

Henri Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004, p. 143-144

mardi 27 octobre 2009

La charité ne passera jamais


Dieu a bien voulu nous faire naître à une vie nouvelle, toute orientée vers lui, il a voulu nous unir à dans le lien de sa charité et nous éloigner de l'affection charnelle par laquelle il nous préparait déjà, comme nous le comprenons aujourd'hui, à cette alliance spirituelle. De cette amitié ancienne, il a fait une affection plus puissante, scellée pour l'éternité. Car la charité - si c'est elle qui inspire notre affection - "ne passe jamais" (1 Co 13, 8) ; elle vient de Dieu, elle demeure en Dieu, immuable, elle donne le pouvoir à l'homme qui la possède, de ne point changer. La charité ignore les tumultes et les ruses du cœur, elle est inaccessible à l'envie. Elle rivalise avec Dieu, non pas dans un esprit d'orgueil, mais dans un sentiment de douceur et de piété : car Notre Seigneur nous assure qu'il est "doux et humble de cœur" (Mtt 11, 29).

Paulin de Nole à Sulpice Sévère, Lettre 11.

lundi 26 octobre 2009

Je t'aimais d'une amitié profane


"Rien ne vaut un ami fidèle, et les saintes paroles affluent toujours dans la bouche de l'homme de bien" (Ecclésiastique 6, 15). Je connais bien en Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu, ces deux maximes tirées du livre de l'Ecclésiastique ; en toi, plus qu'en tout homme, j'ai le bonheur de les vivre, par la grâce de Dieu. Le réconfort que m'apporte ton amitié est un remède de vie, tes paroles sont comme du miel ; comme de l'eau fraîche pour les gosiers asséchés, telle est la bonne nouvelle venue d'une terre lointaine (Proverbes 16, 24-25). Elle nous assure que tu vas bien, elle nous parle la voix de l'amitié et ainsi elle engraisse la moelle de nos os (Proverbes 15, 30), et même elle nous comble de joie et de bonheur puisqu'elle nous est transmise, présentée par tes serviteurs, nos fils dans le Seigneur, puisque nous avons en même temps que ta lettre quelques uns de tes proches. "Comment dirai-je au Seigneur ma reconnaissance pour tous les biens dont il m'a comblé ?" (Ps 115, 12). Et surtout, pour cette grâce particulière qu'il a voulu m'accorder : je t'aimais d'abord d'une amitié profane et voilà que le Seigneur a fait de toi mon compagnon, mon frère dans le service divin ; quelle grâce intestimable ! Il a établi entre toi et moi les liens d'une fraternité spirituelle.
Paulin de Nole à Sulpice Sévère, Lettre 11.

dimanche 25 octobre 2009

Endurer les faiblesses de l'ami


Il ne faut jamais repousser l'amitié de quelqu'un qui entre en relations pour lier amitié ; non qu'il faille l'accueillir d'emblée, mais il faut souhaiter qu'on puisse lui faire accueil, et le traiter de façon à rendre la chose possible. Car on peut dire que celui-là a conquis notre amitié, à qui nous osons faire confidence de toutes nos intentions. Et s'il y en a un qui n'ose pas avancer pour lier amitié, parce qu'il est intimidé par la considération ou le rang dont nous jouirions dans le monde, il faut descendre jusqu'à lui, et lui offrir avec affabilité et modestie ce qu'il n'ose pas demander de lui-même. Sans doute arrive-t-il, assez rarement certes, mais tout de même quelquefois, qu'en celui dont nous avons l'intention d'agréer l'amitié, les mauvais côtés nous apparaissent avant les bons ; ils nous heurtent, ils nous repoussent, pour ainsi dire, et nous nous éloignons de la personne sans aller jusqu'à l'exploration de ses bons côtés, peut-être un peu masqués. Aussi le Seigneur Jésus-Christ, qui veut que nous devenions ses imitateurs, nous recommande d'endurer les faiblesses de cette personne, afin d'atteindre, par le support de la charité, quelques traits heureux dont le charme soit reposant. Car il dit : "Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades" (Mtt 9, 12). Et c'est pourquoi, empêchés par la charité du Christ de bannir de notre cœur celui-là même qui pourrait être malade à tous points de vue - parce qu'il peut être guéri par le Verbe de Dieu - combien moins faut-il repousser celui qui peut nous paraître entièrement gâté pour cette raison que nous avons été incapables de supporter, aux premières avances de l'amitié, certains de ses défauts, et pour celle-ci, plus grave, que nous nous sommes permis dans l'énervement de porter sur toute sa personne un jugement téméraire et préjugé, indifférents à ce qui est dit : "Ne jugez point, pour n'être pas jugés" et "On vous fera la même mesure que celle dont vous vous serez servis" (Mtt 7, 1-2).

Saint Augustin, De diversis quaestionibus, question 71.

samedi 24 octobre 2009

L'ami console

Rien ne vous servirait d'affirmer que vous n'avez point, quant à vous, de colère, et de vous persuader que vous remplissez ce commandement : "Que le soleil ne se couche pas sur votre colère", "Quiconque se met en colère contre son frère méritera d'être puni par les juges", si vous méprisez d'un cœur superbe et dur la tristesse de votre prochain, quand votre mansuétude aurait pu l'adoucir. Vous encourez au même titre le reproche de prévarication contre le précepte du Seigneur. Car Celui qui a dit que vous ne deviez pas entrer en colère contre votre prochain, a dit du même coup que vous ne deviez pas faire fi de sa tristesse. Que vous vous perdiez vous-même ou un autre, cela ne fait point de différence aux yeux de Dieu, "qui veut que tous les hommes soient sauvés".

Jean Cassien

vendredi 23 octobre 2009

Epancher son coeur


Dieu, lui-même, nous fait ses amis de petits esclaves que nous étions, comme lui-même dit : "Désormais vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous prescris". Il nous a donné le modèle de l'amitié pour que nous le suivions, à savoir : faire la volonté de l'ami, ouvrir à l'ami tous les secrets que nous avons dans le cœur, et ne pas ignorer ses sentiments intimes. Nous, montrons-lui notre cœur et que lui nous ouvre le sien. "Je vous ai dits mes amis, dit-il, pour cette raison que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître". L'ami ne cache donc rien, s'il est véridique : il épanche son âme comme le Seigneur Jésus épanchait les mystères du Père.

Saint Ambroise de Milan, De Officiis.

jeudi 22 octobre 2009

Maintenez...


Maintenez donc, mes fils, l'amitié engagée avec vos frères : rien n'est plus beau parmi les réalités humaines. C'est un réconfort en cette vie, certes, que d'avoir à qui ouvrir son coeur, avec qui partager des choses cachées, à qui confier le secret de son coeur ; que de t'assurer un homme fidèle, pour te féliciter dans les jours heureux, compatir dans les jours tristes, t'encourager dans les persécutions. Quels bons amis les jeunes Hébreux que pas même la flamme de la fournaise ardente ne détacha de leur mutuel amour !

Saint Ambroise de Milan, De Officiis.

mercredi 21 octobre 2009

Quoi de comparable ?


Quoi de plus insensé cependant, quand on peut beaucoup par la richesse, les ressources, l'influence dont on dispose, que de se procurer des chevaux, des serviteurs, des beaux vêtements, des vases précieux, toutes choses qu'on a pour de l'argent, et ne pas se procurer des amis, comme s'il existait un objet mobilier comparable en valeur et en beauté au rôle de l'amitié dans la vie ? Les autres conquêtes que l'on fait, on ne sait jamais pour qui on les fait, pour qui l'on travaille, c'est le plus fort qui en restera maître, tandis que l'amitié pour chacun, une fois acquise, demeure une possession stable et sûre.


Cicéron, De amicitia, XV.

mardi 20 octobre 2009

Un partenariat spirituel


Il était bon de nous retrouver. Notre amitié s'approfondit et s'affermit avec le passage des ans. Borys, qui paraissait souvent épuisé et surmené, a maintenant l'air reposé et détendu. Nous avons pu apprécier combien chacun comptait pour l'autre. Quand Borys m'a dit : "Un jour, nous devrions voyager ensemble", j'ai deviné à quel point il lui manquait d'avoir un compagnon durant ses nombreux voyages, quelqu'un avec qui prier, parler, avec qui se retrouver, tout simplement. J'ai senti que j'avais développé avec lui un vrai partenariat spirituel, qui s'enrichissait constamment, et j'en éprouvais une grande reconnaissance.

Henri J. M. Nouwen, Journal de la dernière année, Editions Bellarmin 2004, p. 139