samedi 31 janvier 2009

Être avec



Nous avons besoin de frères et soeurs qui soient avec nous quand nos coeurs seront brisés et attendris.


Timothy Radcliffe, La promesse de vie, La
documentation catholique, 21 juin 1998, N°2184.

vendredi 30 janvier 2009

L'aveu et l'espoir


Quand un amant veut faire partager sa passion, il songe à tous les moyens en son pouvoir de déclarer son amour et d'en découvrir les transports: il prend les dehors de la justice, afin d'avoir le droit de réclamer comme une dette la sympathie du cœur qu'il veut séduire; sa passion s'avive et s'enflamme, en voyant troublée du même feu la personne dont il convoite la possession; tant il est vrai que la sympathie fait sortir un cœur froid de son indifférence et redouble l'amour en celui qui déjà en éprouvait les ardeurs! Il est donc bien évident que rien ne contribue davantage à faire naître ou à développer l'amour que l'aveu de ce sentiment, l'espoir qu'il sera partagé, les avances de celui qui l'éprouve le premier. Combien ce caractère de l'amour empreint dans les liaisons les plus criminelles est-il plus sensible dans l'amitié! N'évitons-nous pas avant tout de déplaire à un ami, dans la crainte de lui laisser croire que nous ne l'aimons pas ou que notre amitié est moins vive que la sienne? S'il le croyait, en effet, il mettrait plus de réserve et de froideur dans ces rapports intimes que l'amitié crée entre les hommes; et, quand il ne pousserait pas la faiblesse jusqu'à laisser toute sa sympathie se refroidir à cause de cette offense, il se renfermerait dans une amitié où le calcul supprimerait les épanchements du cœur.


Saint Augustin, Traité du catéchisme, chapitre IV.

mercredi 28 janvier 2009

Sans hypocrisie


"Que votre amour soit sans hypocrisie. Fuyer le mal avec horreur, attachez-vous au bien. Soyez unis les uns aux autres par l'affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres. Ne brisez pas l'élan de votre générosité, mais laissez jaillir l'Esprit ; soyez des serviteurs du Seigneur. Aux jours d'espérance, soyez dans la joie ; aux jours d'épreuves, tenez bon ; priez avec persévérance" (Rm 12, 9-12).

mercredi 14 janvier 2009

Adrienne Von Speyr (4)


L'amitié doit pouvoir surprendre, maintenant et plus tard, ici et là-bas, c'est pourquoi elle ne peut calculer, évaluer, prendre en compte et distribuer des rôles par avance. Si le Christ a des amis aussi différents que Jean et les publicains, il offrira pourtant toujours à l'un et l'autre, au disciple bien-aimé et au publicain, de nouvelles surprises, pas seulement des grandes, qui tiennent à son message et à sa mission, mais aussi des petites, qui résident dans son visage, ses gestes, ses préférences. Il célébrera des fêtes avec eux, des fêtes de l'amitié et de l'amour, qui, certes, culmineront toutes dans sa disponibilité au don total de lui-même, mais qui pourtant, en tant que fêtes, possèdent chacune, son empreinte, celle de ses fêtes. Quand l'Eglise reprend les fêtes et les célèbre en son nom, elle ne doit pas oublier que ce sont des fêtes de l'amitié ; elle n'a pas le droit de laisser s'effacer les traits de l'ami, qui est le Seigneur. D'autant moins que le Seigneur a choisi l'Eglise pour Epouse, et que, conformément à sa volonté, celle-ci a pour devoir de faire sans cesse ressortir sa nature d'Epoux.


(...)


Le quotidien est souvent difficile à supporter pour l'homme : travail, obligations, limites imposées. Mais l'amour change le poids de toute chose, il complète l'oeuvre encore décousue, il donne de l'ampleur à ce qui est mesquin. Il apporte attente et intérêt dans le train-train, parce qu'il est source de joie toujours nouvelle. Joie de l'époux et de l'épouse, joie aussi de l'amitié, joie en toute chose, qui est comprise dans l'amour, lui appartient et l'augmente.


Adrienne Von Speyr.

mardi 13 janvier 2009

Adrienne Von Speyr (3)


Amitié ne veut jamais dire que l'on revendique la similitude ; plus l'ami est dans la main de Dieu, plus sa particularité, ses souhaits, peut-être même ses opinions seront marqués. Une amitié qui n'aurait de cesse que l'avis de l'un soit toujours partagé par l'autre, que tous deux aient les même préférences et détestent les mêmes choses, ne serait que monotonie, pire encore : elle serait condamnée à l'infécondité. Puisque l'amitié, par nature, a deux facettes : prendre part et donner part, elle doit porter du fruit dans l'échange des particularités, des différences. L'élément étranger enrichit ce qu'on a en propre, sans le niveler. Des intérêts peuvent se compléter, des problèmes sont soulevés et trouvent une solution identique ou différente ; toujours, bien des questions restent ouvertes qui offrent matière à un nouvel échange. Et l'amitié garde toujours ouvert cet espace d'échange et, par suite, de communion présupposée. Quand un Paul veut être tout à tous, il veut surtout être l'ami qui garde ouvert l'espace commun. Ainsi est-il juif avec les juifs etc. Il ne tire pas toujours immédiatement le trait de séparation, il n'exerce pas non plus une pression continuelle visant à définir des positions ultimes, non, mais dans un premier temps, il laisse les choses telles qu'elles sont, dans la confiance de l'autre. La confiance c'est la base de l'amitié. La confiance attend et donne, reçoit et promet, pas forcément dans la rigueur de la responsabilité, mais aussi dans l'insouciance des enfants de Dieu. Le Père du Ciel prend soin des lis des champs, et il prend soin d'entretenir les amitiés, comme il a pris soin de la première rencontre qui les a fait naître et de leur croissance. L'attitude qui consiste à démonter systématiquement la position adverse, à débattre de tout et à vouloir débattre de tout est peut-être l'ennemi principal de l'amitié, parce qu'elle se noie dans les paroles, parce que l'esprit de l'essentiel s'estompe et que l'accessoire prend petit à petit la place principale.


(à suivre)

Adrienne Von Speyr.

Adrienne Von Speyr (2)


Distance et respect face au partenaire sont les conditions fondamentales d'une amitié. La distance parce que celui que l'on a choisi pour ami possède une nature spirituelle qui lui est propre, et parce qu'il veut et doit tenir un rôle qui correspond à une place que Dieu lui a attribuée. Et plus on l'aime de manière authentique, plus il faut le considérer comme quelqu'un qui se tient devant Dieu, dans une réponse personnelle. S'il vit des a foi, à aucun moment l'amitié ne devra troubler sa perception de Dieu et son entente avec Dieu, sous prétexte par exemple d'enlever chez cet ami ce qui est déficient dans sa compréhension de Dieu, pour le remplacer par une relation plus vivante. Cette ouverture plus grande ne peut-être tentée que de l'intérieur, en préservant l'aspect personnel. Jamais l'ami n'a le droit de prendre la place que Dieu détenait jusque là, ou à laquelle du moins Dieu a droit ; et si tous deux partagent une même foi, s'ils prient l'un et l'autre, la foi et la prière peuvent être approfondies par l'amitié, jamais diminuées. Dans toute vie de foi, il y a des fluctuations déterminées par la personnalité du croyant et ses conditions de vie ; deux amis sont rarement soumis à de telles fluctuations en même temps et de la même manière, l'un peut donc être pour l'autre un vrai soutien, par la compréhension, l'accompagnement et le dialogue. L'amour d'amitié est bien échange, mais service aussi ; service de l'être choisi, service au milieu de la joie partagée, mais tout autant dans les difficultés partagées. Service sous toutes ses formes : "Je me tiens à ta disposition". Parfois, on intervient, et c'est nécessaire ; mais bien plus fréquemment, le plus approprié sera de préserver la distance. Dans l'ouverture de l'ami à l'ami se trouve une disponibilité quine s'affaisse pas, qu'on ne la sollicite pas directement, ou qu'on la sollicite soudain, jusqu'à la limite extrême. La disponibilité ne peut s'affaisser, elle doit grandir, toujours s'élancer de nouveau, ce qui signifie en même temps : rendre compte de la distance, la préserver et y veiller, afin que n'apparaisse pas un rapport de dépendance qui manquerait de dignité, et que les amis se rencontrent toujours en toute liberté et en pleine responsabilité.


(à suivre)

Adrienne Von Speyr.

lundi 12 janvier 2009

Adrienne Von Speyr sur l'amitié (1)


L'homme peut se faire les amis de son choix. Il choisit et sa manière de choisir révèle ce qui est particulier à sa nature, mais du même coup, c'est aussi la nature de l'amour qui se révèle à lui-même, qu'il le veuille ou non. Un garçon choisit un ami, ne le choisit qu'une seule fois : c'est celui-là et pas un autre. C'est celui-là qui est complémentaire à sa vie à lui. Malgré tout, le choix de cet être complémentaire n'est pas seulement affecté et lié à un but, mais il s'effectue à l'intérieur d'un amour. L'amour que peut proposer celui qui choisit, il l'offre à son ami, sans réserve. Mais en offrant l'amour, selon son intention, de manière radicale et plénière, il en attend aussi la plénitude. L'amour a la faculté de tirer des choses plus qu'elles ne sont, et de voir, dès les prémices, l'accomplissement. C'est en vertu de cette faculté que l'amitié peut revêtir une telle puissance : ce qu'elle signifie dépasse largement ce que les personnes dans leurs limites peuvent être l'une pour l'autre. Dans l'amour, quelles qu'en soient les données, on ne peut jamais faire de sommes, on obtient toujours plus que les résultats mathématiques. Deux fois un, en amitié, ne font jamais deux. L'amour a une fécondité qui mûrit toujours quelque chose d'inattendu. Cette fécondité est liée à ce qui a été évoqué plus haut : celui qui aime, s'il aime en vérité, propose ce qui est à lui, sans spéculer sur une réponse rigoureusement adaptée, sans taxer par exemple de médiocre l'amour qui lui est proposé en retour, et sans exiger d'avantage. Justement, si de part et d'autre on se comportait en termes de gain et de salaire, de prix d'achat et de marchandise, l'amour resterait en soi inassouvi et n'aurait pas la faculté d'arrondir la somme. Il y aurait des courts-circuits, on fermerait inconsidérément un cercle qui doit rester ouvert.

(à suivre)
Adrienne Von Speyr.

jeudi 8 janvier 2009

Le prix de l'amitié


L'amitié conduit parfois à vivre des choses difficiles. Dimanche dernier, avant d'aller dormir, je relève ma boîte e-mails et tombe sur deux courriels importants. Dans le premier un ami demandait à me parler de toute urgence. Dans le second, sa meilleure amie me prévenait de son état inquiétant.

Je le contacte donc et il m'annonce qu'il veut mettre fin à ses jours le lendemain. Il voulait prendre le temps de me dire adieu. J'ai tenté de le raisonner, de lui faire changer d'avis, mais en vain. Il restait imperméable à tout ce que je pouvais dire, y compris l'affection que j'ai pour lui. Après quarante-cinq minutes, je le laisse et vais dormir, avec la conviction de n'être arrivé à rien.

Le lendemain matin, son amie et moi sommes convaincus que nous devons prévenir ses parents pour les alerter et qu'ils puissent être vigilants puisqu'il séjourne chez eux. Nous le faisons en redoutant de perdre son amitié. Mais notre peur est plus grande encore de le perdre, lui, parce que nous l'aimons.

Notre intervention n'empêchera pas notre ami de faire une tentative de suicide dans l'après-midi. A plusieurs centaines de kilomètres de lui, ces évènements me rongent. Je me sens trop loin, j'aimerais être là. La prière est une action importante, mais j'aimerais être à ses côtés et venir en aide aussi à ses parents. Jamais je ne me suis senti autant dans l'incapacité de faire quelque chose de concret. Même si la prière c'est peut-être plus concret qu'on ne le croit. J'ai beau remettre tout cela dans les mains de Dieu, je n'arrive pas à ne pas être inquiet.

Alerté de son état dépressif, les parents le découvrent inanimé. Hospitalisé, ses jours ne sont plus en danger. Je me retrouve alors sans moyen pour le contacter. La distance se fait plus grande. J'ai l'impression de tourner dans ma cage.

Heureusement, il y a son amie qui me tient au courant de l'évolution de la situation. Je ne la connaissais pas ou peu, et j'ai l'impression que depuis une réelle amitié s'est créée entre nous. Si nous nous voyons un jour, ce sera une joie.

Il est revenu à la vie. Et il est revenu avec un poids en moins. Sa tentative a été l'occasion de révélé un lourd secret, de mettre fin à des années de mensonge ou de cache-cache. Il se dit heureux et ému de ce que nous avons fait pour lui. Il a réalisé combien il compte pour nous.

Ce fut pour nous ses amis, un moment difficile à vivre. Mais après coup nous sommes heureux d'avoir pu l'aider. Être un ami, c'est peut-être être là aux pires heures, celles de l'angoisse et de la solitude.

mercredi 7 janvier 2009

L'amitié unit à Dieu



Grâces soient donc rendues à Dieu qui daigne enfin faire de vous mon ami. C'est maintenant qu'il y a entre vous et moi une douce et affectueuse conformité de sentiments sur les choses divines et humaines, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui devient le fondement de notre véritable paix, et qui a renfermé en deux préceptes tous les divins enseignements, lorsqu'il a dit: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et de toute ton âme et de tout ton esprit; et tu aimeras ton prochain comme toi-même. Dans ces deux commandements sont compris toute la loi et tous les prophètes.» Le premier commandement forme le doux et affectueux accord sur les choses divines; le second établit le parfait accord sur les choses humaines. Si nous nous attachons fortement à ces deux commandements, notre amitié sera véritable et éternelle; elle ne nous unira pas seulement l'un à l'autre, mais encore elle nous unira à
Dieu.

Saint Augustin, Lettre 258.

lundi 5 janvier 2009

La blessure de l'amitié mutuelle


Le 2 janvier dernier nous fêtions Basile et Grégoire, deux saints amis. L'homélie de Grégoire pour les funérailles de Basile parle de l'amitié qui les unissait. J'en retiens quelques bribes que je trouve très belles.

Grégoire dit à propos de l'amitié de Basile : "Nous avons reçu la blessure de notre amitié mutuelle". C'est curieux ce mot blessure...

"Alors nous fûmes tout l'un pour l'autre ; ayant même toit, même table, même vie, même horizon, unissant chaque jour notre commun désir avec plus de chaleur et plus de force".

"Nous nous laissions conduire par la loi de Dieu en nous excitant mutuellement à l'amour de la vertu. Et si ce n'est pas trop me vanter que de le dire, chacun de nous était pour l'autre une règle et un modèle permettant de distinguer le bine et le mal. Chacun porte un surnom qui lui vient de ses parents ou de son propre fonds, d'après ses goûts particuliers ou ses occupations. Mais pour nous, la grande affaire et le grand nom, c'était d'être chrétiens et d'en porter le nom".

dimanche 4 janvier 2009

Attendre un ami...


"Savez-vous ce que c'est que d'attendre un ami, d'attendre qu'il vienne, et de le voir tarder ?

(...) Savez-vous ce que c'est que d'avoir un ami au loin, d'attendre de ses nouvelles et de vous demander jour après jour ce qu'il fait en ce moment, et s'il est bien portant ? Savez-vous ce que c'est de vivre pour quelqu'un qui est près de vous à tel point que vos yeux suivent les siens, que vous lisez dans son âme, que vous voyez ses désirs, que vous souriez de son sourire et vous attristez de sa tristesse, que vous êtes abattu lorsqu'il est ennuyé, et que vous vous réjouissez de ses succès ?
Veiller dans l'attente du Christ est un sentiment qui ressemble à ceux-là, autant que des sentiments de ce monde sont capables de figurer ceux d'un autre monde..."

Cardinal John-Henry Newman, Parochial and Plain Sermons, vol. IV, sermon 22. Traduction d'Henri Bremond, La vie chrétienne, Bloud, Paris 1911, p. 353-356.

Dieu nous donne un coeur


Dieu nous donne un cœur pour aimer. Car il ne suffit pas de voir clair par la foi, ni de vivre de l’espérance. Nous avons besoin de la chaleur de l’amour dans un monde froid. Mais qu’est-ce que l’amour, le vrai amour ? C’est avant tout de nous accepter comme nous sommes, remercier Dieu de nous avoir créés ainsi, tels que nous sommes. Car, créés par Dieu, nous sommes bons. L’amour c’est aussi d’accepter les autres comme ils sont, non pas comme nous souhaiterions ou rêverions qu’ils soient. L’amour laisse l’autre tel qu’il est. L’amour est réaliste.

L’amour est toujours premier, il n’attend pas que l’autre nous aime pour commencer ensuite à aimer l’autre. L’amour est toujours premier. Il ne supporte pas de laisser autre chose passer avant. Il n’est pas possessif, il ne met pas la main sur l’autre, Il est offrande de soi, il est d’abord don. Il rend heureux. Comme Jésus a dit : « Il y plus de bonheur à donner qu’à recevoir.

Cardinal Danneels, Rencontres de Taizé,

Bruxelles, 30 décembre 2008.