lundi 12 janvier 2009

Adrienne Von Speyr sur l'amitié (1)


L'homme peut se faire les amis de son choix. Il choisit et sa manière de choisir révèle ce qui est particulier à sa nature, mais du même coup, c'est aussi la nature de l'amour qui se révèle à lui-même, qu'il le veuille ou non. Un garçon choisit un ami, ne le choisit qu'une seule fois : c'est celui-là et pas un autre. C'est celui-là qui est complémentaire à sa vie à lui. Malgré tout, le choix de cet être complémentaire n'est pas seulement affecté et lié à un but, mais il s'effectue à l'intérieur d'un amour. L'amour que peut proposer celui qui choisit, il l'offre à son ami, sans réserve. Mais en offrant l'amour, selon son intention, de manière radicale et plénière, il en attend aussi la plénitude. L'amour a la faculté de tirer des choses plus qu'elles ne sont, et de voir, dès les prémices, l'accomplissement. C'est en vertu de cette faculté que l'amitié peut revêtir une telle puissance : ce qu'elle signifie dépasse largement ce que les personnes dans leurs limites peuvent être l'une pour l'autre. Dans l'amour, quelles qu'en soient les données, on ne peut jamais faire de sommes, on obtient toujours plus que les résultats mathématiques. Deux fois un, en amitié, ne font jamais deux. L'amour a une fécondité qui mûrit toujours quelque chose d'inattendu. Cette fécondité est liée à ce qui a été évoqué plus haut : celui qui aime, s'il aime en vérité, propose ce qui est à lui, sans spéculer sur une réponse rigoureusement adaptée, sans taxer par exemple de médiocre l'amour qui lui est proposé en retour, et sans exiger d'avantage. Justement, si de part et d'autre on se comportait en termes de gain et de salaire, de prix d'achat et de marchandise, l'amour resterait en soi inassouvi et n'aurait pas la faculté d'arrondir la somme. Il y aurait des courts-circuits, on fermerait inconsidérément un cercle qui doit rester ouvert.

(à suivre)
Adrienne Von Speyr.

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